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Chroniques sur le monde contemporain : G. Eturo, G. Bloufiche et Major Tom

La douceur des mots et le chic des photos

Publié le 14 Janvier 2015 par G. Eturo in Politique

 

Le nouvel ennemi de la liberté d’expression a un nouveau visage. Un visage avenant et rassurant qui a pour nom le respect. Passé le choc de l’attentat contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, les langues se délient et dans ce processus de retour amer à la réalité, certains suggèrent de plus en plus ouvertement que si, bien sûr, aucune des  malheureuses victimes ne méritait la mort, sans doute ces dernières l’avaient-elles un peu cherchée en allant trop loin dans la provocation. Or, au pays prétendument merveilleux du respect, il ne fait pas bon provoquer les autres.

 

Le plus frappant, dans cette invitation plus ou moins raffinée à l’autocensure, est de constater à quel point elle semble prégnante parmi les jeunes. A lire les témoignages dans les journaux, la douceur des mots et le chic des photos ne sont pas une valeur à prendre à la légère à la sortie des lycées et sur les bancs des universités. Surtout, d’ailleurs, quand il est question d’opinions revêtues du blanc manteau de la sacralité. « Touche pas à mon pote » étant devenu ringard, voici venu le règne du « touche pas aux idées de mon pote ». Funeste extension du domaine du respect.

 

Mais le visage a beau affiché un sourire réconfortant, son regard ne doit pas tromper l’observateur attentif qui ne manquera jamais d’y déceler l’étincelle malveillante et jamais consumée de la contre-révolution. Car le respect qui prétend expliquer, sans le justifier, l’assassinat des journalistes et des caricaturistes n’est rien d’autre que le relent nauséabond de l’ancien ordre moral contre lequel se levèrent les forces libérales et républicaines tout au long du 19ème siècle. A l’époque, on parlait moins de Mahomet et beaucoup plus du Christ. Et on exigeait que l’on respectât le Christ. Les plus ultras défendirent avec acharnement le délit de blasphème, c'est-à-dire l’interdiction d’attenter au sacré par une parole trop libérée, d'où qu'elle vînt. Notre République – et certains feraient bien de s’en souvenir – n’est pas née pour rien dans un anticléricalisme farouche.

 

La coalition du respect est vaste : on la trouve aussi bien parmi des gens athées dont la crainte du racisme les a conduit à un manque total de discernement, que chez les croyants farouches qui ne veulent pas que l’on prenne leur vision à la légère, surtout, mais pas seulement, parmi les Musulmans. La LCR, SOS RACISME et consorts, ainsi que les nouveaux prêcheurs de dogmes, alliés dans l’exécution d’une sinistre entreprise de censure, cela est assez pitoyable mais n’a évidemment rien d’inoffensif. Celle alliance objective, malgré ce que sépare idéologiquement ces mouvements et les personnes qui les composent, constitue, à n’en pas douter, une force contre-révolutionnaire qui, si l’on n’y prend garde, fera progressivement reculer dans notre pays la liberté d’expression.

 

Car enfin, à partir du moment où l’on prétend brider cette liberté au nom du respect des idées des autres, qui sera en mesure de fixer le curseur ? A partir de quand un dessin se montrera-t-il offensant pour tel ou tel ? Quelle instance jugera jusqu’où ne pas aller trop loin dans l’expression publique ? La vérité est que le culte du respect traduit une authentique intolérance, celle consistant à ne pas supporter que l’on critique ou que l’on moque son opinion, fût–elle sacrée aux yeux et aux oreilles de son auteur. La figure du citoyen, dans une démocratie véritable, s’accommode mal de ces esprits étroits qui ne savent gère répondre au rire par le rire, à l’argumentation par l’argumentation, à la provocation par l’indifférence ou l'intelligence.  Ce en quoi ces censeurs ne sont rien, derrière leurs visages affables, que des bigots mal embouchés qui méritent que l’on rit davantage encore à l'avenir, non pas seulement de leur credo intouchable, mais aussi, plus simplement, de leurs petites personnes dont la substance paraît si profonde qu’elles ne mettent aucune distance entre la richesse du monde et leur propre représentation du monde, au point d'accuser de blasphème la parole, ou le dessin, d'un incroyant par définition étranger à la notion même de blasphème.

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A
on commence à entendre n'importe quoi, jusqu'à nier la réalité de ces meurtres, , miseen scène, théorie du complot (lire le canard de cette semaine), heureusement les rassemblements grandioses du week-end dernier sont une réponse cinglante à ces inepties, nous avons la chance de vivre dans un pays libre qui ne se laisse pas intimider par les fanatiques de tous bords, l'intelligence est du côté du peuple, n'en déplaise à certains.
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